Bien que ce ne soit pas le film de Bergman le plus cité ou connu, La Source (La source de la vierge en suédois) est à la charnière des périodes « classique » et « moderne » du cinéaste, toute relative que soit cette distinction. Il exemplifie des « aller-retour » de certains personnages par rapport à la foi (et du film lui-même par rapport à sa source lointaine, et du jugement de Bergman sur son film), signe sans doute de l’ébranlement d’une culture européenne qui se cherche à l’époque, au moment d’aborder une nouvelle décennie dont les créateurs pressentent les bouleversements.
Synopsis
Une jeune ville, Karin (Birgita Pettersson) fille d’un riche propriétaire terrien de la région reçoit pour mission de ses parents d’apporter des cierges à la Vierge Marie dans une église, à une journée de voyage à cheval. Pour se faire elle se fait accompagner par Ingeri (Gunnel Lindblom). En cours de route, elle rencontre des chevriers, trois frères (deux adultes et un enfant) avec qui elle partage un repas. Les adultes la violent et l’un des deux la tue. Ensuite, ils la dépouillent de ses vêtements, sous les yeux d’Ingeri, cachée dans les bois, et de l’enfant. Les malfrats vont chercher refuge, la neige commence à tomber, dans la ferme des parents de Karin, ignorant le lien de famille. C’est en voulant négocier la belle robe de Karin avec sa mère, Märeta (Birgitta Valberg), que celle-ci la reconnaît et prévient son père Töre (Max von Sydow)…
Un peu d’histoire…
Le scénario est écrit par Ulla Isaksson, spécialiste des procès en sorcellerie, à partir d’une chanson du XIVe s. (La Fille de Töre à Vänge). D’entrée de jeu, c’est Ingeri qui est mise en avant. Au petit matin, rallumant de feu de l’âtre, elle prie Odin d’être exaucée. La scénariste privilégie l’idée d’une opposition entre rites païens et foi chrétienne : les parents de Karin sont en effet très pieux (on les voit prier systématiquement avant les repas). Il ne faut pas y voir cependant un trait historique mais plutôt l’idée de la persistance de comportements païens malgré la christianisation de la Suède. L’histoire nous apprend que celle-ci commence aux alentours de l’an 800, et s’étendra à peu près sur trois siècles, le dernier sanctuaire païen étant détruit à la fin du XIe s. à Uppsala (Suède). À Paris, le chapitre d’Uppsala fonde même un « Collegium upsaliense » en 1285. Le XIVe n’est donc pas considéré comme un âge de transition, mais plutôt celui d’une Église déjà bien établie, et à qui on pourra plutôt reprocher d’avoir trop de pouvoirs, de richesse, comme l’explique Régis Boyer, spécialiste de la question[1].
Deux femmes que tout oppose
Bergman va utiliser cette opposition scénaristique entre paganisme et christianisme pour souligner les différences entre Ingeri et Karin. Si Ingeri est enceinte d’une liaison illégitime et se confond avec la servante de la maison (quoique sœur adoptive ou demi-sœur de Karin, donc bâtarde), Karin est au contraire la fille légitime et adulée, choyée à l’excès (on lui passe ses caprices), mais aussi désinvolte, naïve et étourdie, peu préparée en tous cas à ce qu’elle va vivre. Le contraste entre les deux femmes est total. Karin éprouve pourtant de la compassion pour Ingeri qui, elle, nourrit un ressentiment profond vis-à-vis de Karin (d’où la prière à Odin). Cette dernière veut se garder vierge pour son futur mari. Ingeri, elle, est méprisée par Märeta, parce qu’elle a cédé à un homme et qu’elle est tombée enceinte. Le jugement des autres l’accable.
Confusions volontaires
En route, Ingeri et Karin rencontrent un homme (Oscar Ljung) qui habite une cabane qui surplombe un ruisseau. Ingeri refuse de continuer à suivre Karin, mue par une peur irrationnelle (« la forêt est si noire »), à moins que cette peur soit feinte. Tandis que Karin poursuit sa route, l’homme lui demande si « elle est en travail ». Elle répond : « pire que cela ». L’homme lui propose d’entrer et de l’aider (en fait exaucer sa prière à Odin ?). L’eau coule carrément de la cabane, ce qui constituera un curieux contrepoint à la scène de la source, plus loin, qui s’ouvre en plein air. Bien vite on se rend compte qu’il s’agit d’un rebouteux qui use de sorts et d’incantations ; il a « entendu » le secret d’Ingeri, lui qui n’a pas de nom. Il lui révèle qu’il a entendu aussi trois hommes morts chevauchant vers le Nord (ce qui annonce le sort des chevriers). C’est un suppôt d’Odin. Il reconnaît en elle une sœur. Elle s’enfuit, effrayée, à travers les bois, à la recherche de Karin. Est-ce pour voir s’exaucer la malédiction ou pour retrouver la douceur et la bonté lumineuse de la jeune fille ?
Beauté défigurée
Karin rencontre les chevriers et partage ses provisions. Elle rompt un premier pain, comme le ferait le Christ dans un épisode d’Emmaüs renversé (c’est elle qui apporte les pains). Mais un peu après, elle se rend compte des mauvaises intentions des hommes. Un des trois, l’enfant, jette l’autre pain par terre et il en sort un crapaud (qu’Ingeri avait préalablement placé là avant de commencer le voyage). On voit l’ambiguïté : signe de sorcellerie, démoniaque, le crapaud défigure le premier partage et rend le pain immangeable. La scène signe l’arrêt de mort de la jeune fille.
Ingeri assiste ensuite à la scène du viol et du meurtre de Karin. Aucune complaisance dans la manière dont Bergman a filmé la scène, qui est à nouveau en contraste total avec l’apparente innocence et limpidité avec laquelle le réalisateur a raconté son histoire jusqu’ici. Karin en effet est totalement dépassée par les événements, presque incapable de réagir, comme si ce genre de choses était inimaginable. Son silence puis sa plainte ont été perçus comme un hommage de Bergman au film muet et à Victor Sjöström : pendant tout ce temps, pas un mot n’est prononcé. Les spectateurs de l’époque n’ont pu qu’être choqués en voyant la scène, comme on peut l’être aujourd’hui. Karin est présentée comme une agnelle pure (elle se saisit d’un chevreau) et sans tache dont les rêves de pureté et d’amour sont complètement broyés. Bien sûr, c’est le choc de l’incompréhension (Töre s’en fera l’écho plus tard), si ce n’est l’évidence de la malice logée au cœur de l’homme et l’appât du gain qui apparaît. Les assassins, ensuite partent chercher quelqu’acquéreur pour les effets de la jeune fille et laissent l’enfant seul avec la morte, chargé de garder les chèvres jusqu’à leur retour. Il jette sur elle quelques poignées de terre sur elle, comme si ceci aussi était dérisoire. C’est alors qu’une première neige commence à tomber (scène très allégorique, qui rappelle l’eau mélangée à la terre). L’enfant, prenant petit à petit conscience de l’horreur à laquelle il a assisté, s’enfuit dans les bois.
Vengeance (Attention, spoiler).
La suite des événements ne manque pas d’étonner. Comme on l’a dit, les chevriers, ignorant l’ascendance de Karin, se réfugient chez Töre. Märeta découvre que sa fille a été assassinée, et que les meurtriers sont sous son toit. Töre va abattre un jeune arbre, se « préparer » à l’assassinat des hommes en se fouettant avec ses branches dans un sauna. Les critiques y ont vu un « retour en arrière », l’homme retrouvant, au moment de l’épreuve, de vieux réflexes païens. Il entre ensuite silencieusement dans la salle de séjour et tue les deux hommes. Dans sa fureur, il tuera aussi l’enfant qui accompagne les bandits, l’ensemble constituant le deuxième choc spectatoriel du film. Était-ce bien nécessaire, demanderont les journaux de l’époque ? Le seul qui a exprimé un repentir, c’est justement l’enfant ! Märeta a tenté vainement de l’arrêter.
Au matin, les parents et leur suite se rendent sur le lieu du crime et découvrent le corps de leur fille. Le père alors, dans une prière, dit ne pas comprendre comment Dieu a permis et le crime et la vengeance. Il lui promet de lui bâtir en ce lieu une église de pierre et de chaux. En déplaçant le corps de Karin, voilà qu’une source se met à couler là où son corps était déposé. (Fin du spoiler).
Force primaire ou jugement ?
La réception du film a été difficile pour l’époque et on le comprend. Le rape and revenge pourtant connaîtra au cinéma bien des déclinaisons, dont celle de Wes Craven, The Last House on the Left (La dernière maison sur la gauche) en 1972. Bergman lui-même a commencé par affirmer qu’il s’agissait de son film préféré, puis l’a renié se reprochant, entre-autres, d’avoir été trop influencé par Rashōmon d’Akira Kurosawa (1950). Ces « aller-retour » sont peut-être aussi motivés par quelque chose de plus profond qu’on va essayer d’élucider.
Paganisme vs christianisme
En effet, c’est en plongeant dans l’âme de Töre que le film prend une bonne partie de son sens. Car l’incompréhension qu’il exprime dans la prière tient justement au choix entre paganisme et christianisme. Le païen trouve dans la nature et les dieux les forces qui conduisent son destin mais, aussi, l’y enferment (ainsi de la vengeance mortifère), quand ils ne donnent pas libre cours à leurs passions (les chevriers) sans aucun respect pour le sacré.
Töre, tout chrétien qu’il est, cède pourtant à la vengeance qui crie en son sang. Le chrétien sait pourtant qu’il est appelé à la liberté et à renvoyer le jugement à Dieu (comptable de tous les actes et qui voit, seul, le fond du cœur humain). Au moment d’arriver sur le lieu du crime, il le rappelle pourtant à Märeta. Renvoyé à sa responsabilité Töre sait que, s’il a failli, ce n’est pas parce qu’il a été piégé par Dieu, mais qu’il a cédé à ses impulsions premières. Dieu pourtant lui fait voir son péché, le lui a même révélé dans l’épreuve (voire la scène, où après le crime, il regarde ceux qu’il a tués puis ses mains pleines de sang et espère que Dieu lui pardonnera). Bergman a raison de suggérer (volontairement ou non) qu’il faut arrêter d’accuser Dieu du mal que font les hommes : le film met plutôt à la lumière « les pensées de bien des cœurs » (cf. Lc 2,35).
Culpabilités mortifères
Quatre culpabilités sont exprimées dans le film, qui renvoient toutes aux excès d’une religiosité protestante rigoriste, dont Bergman a souffert vis-à-vis de son père, pasteur de surcroît, ce qui explique qu’il se « débat » avec la question religieuse dans nombre de ses films.
Ingeri, la première, dit que c’est « elle qui a voulu cela » (en priant Odin). Märeta, la mère de Karin s’accuse aussi d’avoir détesté son mari quand sa fille avait des attentions pour lui et de l’avoir aimée plus que Dieu. Töre, bien sûr d’avoir commis son crime plein du sentiment de vengeance. Reste le jeune enfant qui, ayant vu le crime, n’ayant rien fait pour l’empêcher, perd tout appétit et est tourmenté. Il sera pourtant sauvé, lui dit plus tôt le moine accueilli dans la famille (Allan Edwall) mais comme malgré lui (voir l'extrait de film). Des chevriers, aucun « repentir » n’est attendu, ou exprimé.
Aucune grâce de pardon n’est donnée, laissant les êtres dans leurs tourments et leurs péchés, et qui espèrent, sans le savoir, s’ils seront pardonnés. Toute la faute, en tous cas retombe sur eux sans rémission. Ils doivent se débrouiller avec le silence de Dieu (et des hommes), dont les desseins semblent impénétrables. On voit clairement que la dimension sacramentelle du pardon est tout à fait absente, malgré qu’on soit théoriquement au XIVe s. : le pardon n’est pas reçu comme une source vivifiante qui lave la robe souillée du baptême, bien que, comme par compensation, la symbolique de l’eau va bientôt être présente à l’écran !
La source : réponse divine ?
Faut-il donc considérer que l’apparition de la source soit la réponse divine ? Signe de pureté (on s’y lave) et de ressourcement (on y boit) la source rappelle, on le disait, le baptême, et donc la nécessité de la conversion et de la foi au Christ. Mais il y a ici plus que de l’eau, il y a aussi du sang. C’est dans l’Évangile selon saint Jean, et sa première épître que le sens apparaît : il s’agit d’un témoignage (Ils sont trois qui rendent témoignage l’Esprit, l’eau et le sang [1 Jn 5,7-8]). L’eau apparaît par le sang de Karin versé en terre, au moment où elle est soulevée par ses parents. L’Esprit en fait découvrir le sens.
Les martyrs le sont toujours pour la foi des autres, pour celle de ceux qui ne se convertissent pas ; des païens ou des chrétiens qui restent en partie païens au fond d’eux-mêmes comme… Töre, Ingeri ou Märeta. Le sang de Karin témoigne de la violence qu’elle a subie, l’eau, de la nécessité de comprendre que l’homme doit garder le cœur pur et rejeter la violence.
La source : signe d’une grâce obtenue par la Vierge Marie ?
Mais comment transposer un objet culturel du XIVe dans le XXe, sans qu’il en devienne source de confusion ? Le cinéaste n’ignore peut-être pas que dans l’histoire des apparitions de la Vierge Marie à des jeunes filles (Lourdes en France, Banneux en Belgique par ex.) des sources furent découvertes. Une interprétation possible, consisterait à voir en Karin une figure mariale. En effet, elle est en route pour donner des cierges de la Vierge au père Erik. Elle le rappelle d’ailleurs aux chevriers avant qu’ils ne la violent, pour les dissuader : son voyage est sacré et ils hésitent un instant. En étant violentée, ce n’est pas seulement elle qui est offensée, mais Dieu lui-même. Après le viol et le meurtre, les chevriers piétineront les cierges… Puisque la jeune fille n’a pas pu arriver à l’église et est morte en chemin, c’est la Vierge qui viendrait à elle en faisant jaillir une source au lieu de sa mort.
Le passage de la Suède à la Réforme luthérienne au XVIe. s., poserait-t-il ici symboliquement un problème, quant à la compréhension de la place de la Vierge Marie dans le dessein du salut ? La chanson, conçue dans un climat spirituel catholique, est réinterprétée dans un climat spirituel protestant, où la problématique principale n’est pas de mettre en lumière la vertu et la pureté de la jeune fille (qui apparaît comme rêveuse et naïve), mais l’environnement malsain qui précipite sa perte. En d’autres termes, Bergman critique l’idéalisme et le romantisme qui a maintenu les jeunes filles dans un certain idéal (à l’image du culte pour la Vierge), y compris vis-à-vis du sexe vécu à l’intérieur du mariage, sans les préparer à la réalité et la dureté du monde où les hommes ne laissent pas les femmes longtemps vierges (ce dont témoigne Ingeri, alors qu’elle est méprisée pour n’avoir pas pu empêcher d’être prise). Mais pour autant, il montre l’horreur d’un monde sans respect pour la foi, tueur et violeur, et la contre-violence de certains chrétiens pour qui certains principes doivent être respectés quoi qu’il en coûte. Bref, il n’y a pas d’idéal de virginité possible pour les jeunes filles, là où la Theotokos, la Mère de Dieu est seulement la femme qui a mis Jésus au monde, où les femmes sont traitées comme de purs objets de désir et où on leur impose un type d’être. On comprend que les pays scandinaves soient à l’avant-garde de l’émancipation et que les règles sociales compensent l’absence de spiritualité. La source dans le film montre alors que, réduite à sa plus simple expression, la pureté et la limpidité ne cesseront jamais d’être des réalités de ce monde, et même si elles ne pouvaient plus se contempler dans les hommes, les humbles éléments de la nature en témoigneraient tout de même. Si mes disciples se taisent, les pierres crieront, dit un jour Jésus (cf. Lc 19,40).
La source : réponse de la terre ?
Que la source apparaisse sous le corps de la jeune fille en dit long aussi sur le fait que la terre elle-même « témoigne » pour la jeune fille et s’ouvre, donne l’eau, à la place du sang qui y a été versé. Que la terre crie vers Dieu après avoir bu le sang de l’innocent et crie vengeance apparaît déjà dans la Genèse au moment du meurtre d’Abel par Caïn (cf. Gn 4,10). Nouveau problème : l’opposition entre paganisme et christianisme se trouve surmontée (ce qui n’est pas commode pour une pensée athée qui cultive les oppositions ou se réclame d’un certain matérialisme ou d’une sagesse naturelle, censée mieux parler aux hommes). Elle est même « assumée » dans le miracle terrestre, rappelant du même coup que Dieu est le créateur du ciel et de la terre, qu’Il peut faire jaillir des sources où il veut, et, par un signe, « accomplir » son dessein en réponse à la violence des hommes. Et, par la même occasion, que le paganisme participe d’une « préparation évangélique » comme le disait Eusèbe de Césarée (263-339).
La source : exaucement de Töre ?
L’exaucement de Töre, si c’en est un, peut gêner l’athée : Dieu peut se montrer miséricordieux face aux criminels repentis. Il serait plus commode pour l’athée de le maintenir dans la fureur, la vengeance, le jugement (mais Bergman a montré que cette attitude est trop païenne) pour aussitôt le condamner à cause de cela, et décréter l’irréconciliabilité de deux figures en Lui (sa bonté et sa justice) comme une preuve de sa non-existence (ou sinon de son indifférence ou de son dédain, ce qui empêche de croire en lui). On comprend l’embarras bergmanien : le film va finalement à l’encontre de ses convictions profondes, comme s’il lui avait échappé, ou comme si la ritournelle du XIVe pouvait produire des effets involontaires au XXe, en diffusant sa grâce. Ce qui fait que, au milieu de ces aller-retour spatio-temporels, La source, œuvre majeure, décrétée mineure, peut être retrouvée comme majeure, ayant bien mérité son Oscar comme meilleur film étranger, même au corps défendant du réalisateur.
La source : fécondité inattendue
L’apparition de la source à l’endroit du viol montre donc qu’une « fécondité » est possible, sans pour autant justifier le crime. Elle vient « de surcroît », par excès. Töre peut même vouloir que la future chapelle, non contente de rappeler le crime, incite à la prière et au repentir, en particulier pour tous ceux qui boiront de l’eau de cette source (comme Ingeri, la première, le fait, ensuite Märeta). Un chant religieux s’élève et le moine se met en prière. On pourrait bien sûr penser que Karin restera auprès de cette source, comme les Anciens pensaient que les sources étaient hantées par des nymphes (dont le nom signifie « jeune fille »), que le paganisme y conserve ici un trait, mais cette interprétation est plus difficile à maintenir, d’autant qu’on oublierait alors les circonstances de sa mort, et la dimension mariale de la jeune fille.
En effet, que la grâce puisse jaillir du corps transpercé, le mystère de la croix elle-même le signifie (au pied de laquelle était Marie), cette croix que priaient avec confiance les parents de Karin au temps de leur quiétude et que maintenant ils portent dans leur chair et dont ils voient les effets sur leur fille. Ne dit-on pas du Christ que de son côté transpercé par la lance jaillit du sang et de l’eau (cf. Jn 19,34) ? De l’eau pour le baptême et du sang pour le martyre. En 1373, (donc dans la dernière partie du siècle où fut composé la ritournelle à la base de l’histoire) mourra la première sainte suédoise, Brigitte. Elle sera canonisée en 1391. C’est le moment où les églises en bois se font plus rares, et qu’on commence à bâtir des églises de pierre, avec la diffusion du roman et du gothique, comme se promet de le faire Töre… Quant à l’église où on n’arrive jamais, dans le film, celle où devaient aboutir les cierges pour la Vierge, elle attend paisiblement au loin, inaccessible et invisible dans un lointain hors-champ, à moins qu’elle ne se soit rapprochée de Töre et Märeta par la mort de leur fille et qu’elle soit figurée par cette chapelle qui sera construite à l’endroit de son martyr.
Abbé Jean-Luc Maroy
Pour aller plus loin, entre autres sur les aspects plus formels et cinématographiques : http://www.dvdclassik.com/critique/la-source-bergman (Page consultée le 16/06/2018).
[1] www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/le_christianisme_scandinave_histoire_et_particularites.asp (Page consultée le 16/06/2018).